Qu’est-ce que la neutralité de l’Internet ?
La neutralité des réseaux (Net Neutrality en anglais) est une notion ancienne, plus vielle encore qu’Internet. Cette expression a été formalisée en 2006 par Tim Wu, lorsque les débats sur la question battaient leur plein aux États-Unis. Il s’agit d’un ensemble de conditions concernant la transmission des données sur le réseau que l’on peut résumer ainsi :
- ne pas privilégier un type de données au détriment d’un autre ;
- ne pas privilégier des adresses d’émission ou de destination au détriment d’autres ;
- ne pas altérer les données transférées.
En quoi la neutralité est-elle si essentielle à l’internet ?
L’Internet tel que nous le connaissons aujourd’hui l’est justement parce que tout internaute peut contribuer librement à sa construction. Le réseau se fait par chacun de ses participants, que vous postiez un billet sur votre blog, développiez une application web ou soyez un fournisseur d’accès. Ainsi, le fait que vous puissiez recevoir et distribuer des informations ne dépend donc pas de vos capacités financières ou votre statut social. Au-delà de l’individu, les petites entreprises peuvent avoir une visibilité augmentée et proposer leurs nouveaux services aux côté des grandes.
Il est alors impensable que le vivier pour l’innovation qu’est Internet continue à exister, si à l’avenir certaines données provenant de certaines adresses sur le réseau se voient accordées la priorité de transmission. La neutralité constitue donc un pré-requis indispensable à l’innovation et la liberté d’expression.
En quoi cela nous concerne ?
Seriez-vous d’accord pour que demain votre accès à un site de vidéo quelconque se retrouve au mieux fortement ralenti, au pire totalement inaccessible parce que votre fournisseur préfère que vous alliez sur un autre site de vidéos, avec lequel il a un partenariat ? De même, accepteriez-vous que vous courriers électroniques mettent trois fois plus de temps à arriver si vous avez des amis qui ont l’outrecuidance de ne pas utiliser le même fournisseur que le vôtre ? Enfin, admettriez-vous que votre fournisseur d’accès scrute et analyse tout le contenu que vous envoyez ou recevez (courriel, messages sur des forums, communications téléphoniques, …)?
Cette ombre liberticide plane réellement sur nos têtes, avec les mesures telles que le Paquet Télécom en Europe ou la loi « Création et Internet » dite « HADOPI » en France, ainsi que ses homologues dans le monde. Très récemment, une nouvelle entorse à la neutralité du réseau a été faite par la compagnie de téléphonie Vodafone, qui propose en Espagne une offre payante d’accès privilégié à Internet sur mobile lors de moments de fort trafic. Tout comme sur l’autoroute, il s’agirait de payer les péages… Il y a donc une certaine tendance à créer un Internet centralisé, un genre de retour à un minitel en plus moderne, qui mettrait fin à l’existence du réseau en tant que bien commun, avec des incidences politiques, économiques et culturelles énormes.
Crédit illustration : Melih Bilgil (Picol)
Video de la conférence de Benjamin Bayart du 28 novembre 2009 intitulée « Ce qu’Ubuntu peut faire pour sauver Internet », à l’Ubuntu Party organisée par Ubuntu-fr à Paris.
Transcription
Réalisé par le groupe de travail Transcriptions de l’April.
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Benjamin Bayart >>
Ce dont je viens vous parler, c’est de ce que Ubuntu peut faire pour sauver Internet. C’était indiqué dans certaines versions du programme comme la neutralité du réseau. Vous verrez que c’est sensiblement le même sujet, c’est pas mal lié. Je viens vous embêter en tant que président de FDN. Comme je n’aurais pas l’occasion d’y revenir dans le reste de la conférence, deux mots sur ce qu’est FDN. French Data Network est un fournisseur d’accès à Internet, associatif, dont je suis président parce que j’étais le seul bénévole pour assumer le poste il y a dix ans quand la question s’est posée. On est le plus vieux fournisseur d’accès à Internet puisque nous sommes fournisseur d’accès à Internet depuis avril 1992. Pour vous donner une petite idée, France Télécom s’est lancé sur le sujet en 1995-1996. Ça fait très longtemps. Ça date d’avant l’époque où le Web s’est vraiment diffusé. Le Web est sorti du CERN à Genève, où il était essentiellement utilisé par des chercheurs, en 1994.
Bien. D’abord, le premier point dont je vais vous parler est l’enjeu. À savoir Internet. Je vais vous embêter sur qu’est-ce que Ubuntu peut faire pour sauver Internet. Il faudrait qu’on arrive à se convaincre du fait que le truc mérite d’être sauvé. Sinon on va retourner s’asseoir, il y a du café en vente libre, on va faire autre chose. J’ai oublié le slide avec le plan complet, je vais vous le faire avec celui là. Donc il y a l’enjeu.
Le deuxième point ce sont les dangers. Parce que si on veut le sauver, il faut bien le sauver de quelque chose.
Le troisième point c’est justement tout le sujet de la conférence, la piste que je vous propose et qui me semble pouvoir être suivie par les gens de chez Ubuntu. Et puis on fera une conclusion en forme de résumé du spectacle, histoire que vous ayez un condensé en trois minutes que j’aurais dit en 35-40 minutes si j’en crois les timings habituels. Donc ça laissera le temps de discuter après.
C’est une question rituelle que je pose : combien parmi vous on vu la conférence qui s’appelle « Internet libre ou Minitel 2.0 » ?
(Sondage rapide à main levée)
Un petit quart. Moins que d’habitude
(un organisateur parle à BB)
Avec fil ça marche mieux ?
(Changement de micro)
Ah oui ça a l’air. Et bien j’ai un fil à la patte.
Donc « Internet libre ou Minitel 2.0 », pour les gens qui ne l’ont pas vu, est une conférence que j’ai faite en 2007 à Amiens, qui a pas mal circulé sur Internet. La conférence durait une bonne heure, je vais vous en faire un résumé en quatre minutes sur un transparent. Vous allez voir ça se passe bien. Pour bien comprendre, il y a des points communs discutables entre Internet et le Minitel. Ce sont des réseaux de télécommunications qui peuvent se consulter de n’importe où, typiquement depuis chez soi. Ça utilise des techniques assez similaires, c’est de la transmission de paquets… On retrouve tout un tas de petits points communs. (On peut observer une salle pleine avec des personnes debout et d’autres assises au sol). Puis, il y a de vraies grosses différences. En fait, Internet marque une rupture avec tous les réseaux de télécommunications qui ont précédés.
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Cette rupture peut se caractériser essentiellement par le fait que c’est un réseau a-centré.
Quand vous utilisez un réseau d’avant Internet… Le plus connu en France est le Minitel mais il y en a eu des tas d’autres. Aux États-Unis ça s’appelait America OnLine (ndr : AOL). Il y a eu les BBS qui étaient moins célèbres mais pas mal utilisés. Donc quand vous utilisez un réseau pré-Internet, vous utilisez en général un réseau centré, c’est-à-dire un réseau sur lequel il y a un gros ordinateur central qui contient ce que vous voulez consulter : les horaires de la SNCF, une base de données, un serveur de réservation de trains, un site de discussions érotiques, enfin n’importe quoi. Le machin auquel vous voulez accéder est au centre et autour il y a des ordinateurs très passifs qui ne contiennent rien et qui permettent seulement de le consulter. Les deux rôles sont très profondément asymétriques dans les anciens réseaux. Le serveur a une connexion de type serveur et le client a une connexion de type client. Ils ne font pas du tout la même chose.
La grande particularité d’Internet est qu’il n’y pas de centre. Si vous voulez, on peut comparer ça avec certaines formes de vie assez simple comme des plantes, où vous en coupez un bout que vous mettez dans l’eau et ça refera une plante. Et les deux feront deux plantes. C’est une des caractéristiques d’Internet : il n’a pas de point central. Si vous coupez Internet en deux, vous obtenez deux morceaux d’Internet qui ne se voient pas mais qui fonctionnent. C’est quelque chose d’assez compliqué à comprendre. C’est tout à fait contraire à ce que la majorité des gens ont dans la tête en parlant de réseau, mais le réseau fonctionne comme ça. Internet fonctionne comme ça. Et c’est un point essentiel.
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L’autre point, c’est que c’est essentiellement un réseau de pair à pair. C’est un réseau de gens qui sont au même niveau, qui font la même chose. Je vous disais tout à l’heure qu’un réseau pré Internet, typiquement un réseau comme le Minitel est un réseau sur lequel le serveur à une connexion de type serveur qui est très différente de la connexion de type client. Ils ne parlent pas les mêmes langages, ils ne font pas tourner les mêmes types de programmes, ils ne sont pas capables de faire les mêmes choses. Sur le réseau Internet, quand deux ordinateurs sont reliés au réseau, n’importe lequel peut être à n’importe quel moment être un serveur ou un client ou les deux à la fois.
Ce n’est pas du tout le modèle auquel vous êtes habitués avec le Web. Vous êtes habitués au modèle où vous tapez www.facebook.com et puis vous allez sur le serveur Facebook. Il faut savoir que l’ordinateur qui est capable de consulter Facebook est également capable de publier un site Web. Sinon il ne serait pas relié à Internet. Le réseau est profondément, fondamentalement, un réseau de pair à pair. Si on vous donne une adresse IP, une des quatre milliards d’adresses possibles sur le réseau aujourd’hui. Vous ne pouvez pas dire, en analysant cette adresse, si c’est l’adresse d’un client ou si c’est celle d’un serveur. Il n’y a pas de différence.
Si vous examinez techniquement la connexion, a savoir si elle est en cuivre, en fibre optique, en câble, en machin, en bidule ou en truc… Vous ne saurez pas si c’est la connexion d’un client ou d’un serveur. Vous pourrez dire que c’est une connexion lente ou rapide. Mais on peut tout à fait être client sur connexion à 10Gb/s et être serveur sur une connexion à 64kb/s. Ça ce ne sont que des questions de vitesse. Le réseau, fondamentalement, il est a-centré, il n’est pas décentralisé.
Les pouvoirs publics en France, c’est un merdier qui est décentralisé. On avait tout mis au centre et on commence à en séparer des petits bouts. Internet est un système qui est a-centré. Il n’y a jamais eu de centre. Il vaudrait mieux qu’il n’y en ait pas.
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Une autre grande caractéristique d’Internet, c’est que c’est un réseau ouvert. C’est quelque chose d’assez novateur. C’est un réseau dont toutes les normes sont publiées. Le standard, l’usage, le « on-fait-comme-ça-depuis-40-ans », c’est que quand on veut proposer une norme, au hasard « le web », on écrit sur un papier « ça serait chouette de faire comme ça, ça permettrait de faire tel application et tel application, d’ailleurs j’ai écrit un programme d’exemple qui le réalise, il est en pièce-jointe ». Et c’est comme ça qu’on fait depuis 40 ans. C’est à dire que quand on propose une norme sur internet, on propose toujours un programme avec les sources qui réalise cette norme pour dire « voilà ce que j’ai en tête, c’est ça mon idée ».
Donc l’idée d’un protocole sur le net qui soit soumis à des royalties, qui soit l’invention exclusive d’une entreprise qui derrière se verra affecter des royalties pour récompenser sa brillante invention, c’est contraire à ce qu’est internet depuis 40 ans. Donc ce réseau est fondamentalement ouvert.
C’est à dire que si quelque chose fonctionne sur le réseau, à priori, à part quelques exceptions bizarres en général sorties de chez Microsoft, on sait comment ça tourne, on a des exemples de programme qui le font et donc on est libre de faire d’autres programmes qui s’interconnecte avec. C’est pour ça que votre navigateur web arrive a aller sur a peu près tous les sites quelque soit la marque du serveur.
Vous allez rire : ce n’est pas commun. Regardez, rien que dans les cafetières ça ne marche pas comme ça. Vous ne mettrez pas une capsule d’une marque donnée dans une cafetière d’une autre marque. Rien que dans quelque chose d’aussi bête que les cafetières, ça ne marche pas. Sur la plomberie ça ne fonctionne pas. Essayez de visser un robinet américain sur un tuyau français, vous allez rigoler un brave moment. Avec des diamètres exprimés en millimètres d’un côté et en quart de pouces de l’autre, ça va être un grand moment de solitude.
Et je ne vous raconte pas les histoires de tensions électriques, les formes de prises électriques qui font toujours rigoler tout le monde dès qu’on voyage un peu. L’idée qu’un machin soit interopérable à l’échelle de la planète et ce soit développé en aussi peu de temps, c’est quelque chose de stupéfiant. Réfléchissez, le réseau électrique ça fait plus de 100 ans qu’il existe et on est toujours pas foutu qu’il soit interopérable. Prenez votre fer à repasser Parisien, allez à New-York pour le brancher, ça va être une plaie.
Ben moi je prends mon ordinateur parisien, je vais à New-York, pour le brancher sur le réseau ça va être assez facile et de toutes façons le navigateur fonctionne. Il y a un côté magique. Ça, ça vient du fait que le système est ouvert.
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L’autre grande caractéristique d’Internet est qu’il est neutre. Un réseau neutre est un concept assez facile à expliquer lorsqu’on ne parle pas d’Informatique. La Poste est neutre vis à vis des lettres qu’elle transporte. Elle transporte aussi mal. Ou aussi bien, selon le point de vue qu’on en a. Le courrier que j’ai envoyé à ma petite sœur pour lui souhaiter un bonne anniversaire ou le chèque de plusieurs milliers d’euros que j’ai envoyé à un fournisseur pour payer une dette : la Poste s’en fout, elle transporte un courrier. J’ai mis un timbre à 56 centimes dessus, elle transporte une lettre avec un timbre à 56 centimes. Le contenu n’est pas pris en compte.
Une autre façon de voir, c’est de regarder le réseau d’eau. Le réseau d’eau transporte l’eau. Basiquement, savoir si elle est propre ou sale, ce n’est pas tellement son affaire. Vous mettez un colorant dans l’eau, elle se transportera pareil. Il ne la touche pas, il ne la modifie pas, il ne fait que la transporter. Si ça sature et bien ça sature.
Exactement comme le réseau routier. Le réseau routier vous transporte que vous soyez dans une Lada, une Volkswagen, une Mercedes ou une Ferrari : il vous transporte pareil, avec les mêmes règles. Parfois il sature. Mais il vous transporte pareil.
Le réseau Internet, de la même manière, est neutre. Ce qui est quelque chose de relativement courant dans les réseaux de télécommunications. C’est plutôt une norme, on ne s’était jamais posé la question de faire autrement. Il y a des points de non neutralité, il y a des règles de priorité. Exactement comme il y a des règles de priorité dans la vie de tous les jours.
Quand vous prenez un téléphone. (Benjamin Bayart prend son téléphone à la main). Alors ça marche de moins en moins avec les téléphone modernes parce que les opérateurs font bien ce qu’ils veulent depuis qu’ils sont plusieurs. Vous appelez les pompiers, le réseau ne peut pas être saturé. Quelque soit l’état du réseau, si vous appelez les pompiers le réseau ne peut pas être saturé. Une autre communication sera coupée s’il le faut pour faire passer celle là. Dans le monde des télécoms, ça fait 100 ans que ça marche. Ça s’appelle un appel prioritaire.
Ça n’est pas une atteinte à la neutralité du réseau parce que ce n’est pas un service qui peut s’acheter. C’est un service de base, exactement comme dans la vie de tous les jours, les ambulances ont des gyrophares pour pouvoir rouler plus vite y compris quand il y a des bouchons. Donc le réseau est neutre. Il transporte les données sans comprendre ce que c’est.
Un autre parallèle assez facile pour le comprendre est le réseau de communication qu’il y a entre vous et moi en ce moment. Il n’y a pas d’intermédiaire en fait. (Ndr: En fait si, dans le cas de cette transcription, des transcripteurs et des relecteurs ont joué le rôle d’intermédiaire.) Il y a de l’air dont vous savez qu’il est neutre. Si je vais me mettre dans la pièce à côté et que je murmure les messages dans une oreillette à mon camarade, ici présent, et qu’il vous répète les messages : vous êtes en droit de mettre sa parole en doute. Il y a un intermédiaire : vous ne savez plus s’il filtre. Et du coup la question de savoir si cet intermédiaire est neutre est une question importante. Dans la moindre discussion diplomatique, savoir comment l’interprète a traduit les propos d’un chef d’état est une question cruciale.
C’est ça la question de la neutralité du réseau : quelle confiance peut-on avoir dans le support ? Vous savez, plus ou moins instinctivement, que l’air qui nous sépare n’a pas altéré mes propos et que si je dit une connerie, c’est bien moi qui l’ait dit, ce n’est pas l’air qui a modifié le truc. De la même manière, Internet, quand il n’est pas abîmé ou sali, il est neutre. C’est-à-dire que quand vous voyez une débilité publiée sur un site Web, elle y était bien d’origine. Quand vous voyez un site Web sur lequel il n’y a pas un seul gros mot, vous pouvez vous dire : « tiens, l’auteur, c’est quelqu’un qui parle bien ».
Un réseau sur lequel le réseau se charge de supprimer les gros mots, n’est pas un réseau neutre. Parce que vous ne savez plus si ce que vous êtes en train de lire est vraiment ce qu’a écrit l’auteur ou si c’est ce que le réseau a traduit pour vous. Un bel exemple de réseau non neutre, c’est le réseau Internet en Chine. Eux, curieusement, quand ils vont sur wikipedia.org, ça répond « page not found ». Donc Les chinois pourraient arriver à cette conclusion brillante que Wikipedia n’existe pas.
– 00:15:00 –
Une autre façon de vous expliquer pourquoi l’enjeu est important. Ou plutôt de vous y amener. C’est de reprendre la décision 2009-580 du conseil constitutionnel qui est la décision de censure de la loi HADOPI. Elle est assez intéressante. Je n’ai pas amené le texte parce que ça faisait un peu long à vous lire, mais j’ai amené quelques éléments. Je rappel pour ceux qui n’ont pas suivi, HADOPI est une loi bécasse qui consiste à dire que les enfants n’étant pas sage sur Internet parce qu’ils ne font rien qu’a tuer des artistes en tapant dessus avec des modems, on allait les priver d’Internet. Exactement comme moi on me privait de télévision quand je ne faisais pas mes devoirs quand j’étais petit. C’est quand même une loi simple : ils font des conneries avec Internet, on les prive d’Internet. Il n’y a pas a en faire une maladie. Ils pourraient être privés de dessert ou de télévision ou de cinéma, c’est bien pareil.
Ce à quoi le conseil constitutionnel a répondu que non. Pour répondre au non, il ne s’est pas basé sur un détail de procédure, il s’est appuyé sur l’article 11 de la déclaration des droits de l’Homme de 1789. Donc un truc récent, novateur, très moderne, qui nous dit que : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi ». Ce que le conseil constitutionnel dit dans sa décision, c’est que, aujourd’hui, Internet est un moyen indispensable pour exercer réellement cette liberté. Ce que dit le conseil constitutionnel, c’est qu’en gros (si on sous-titre un peu), depuis un peu plus de deux siècles cette liberté est très virtuelle. Vous pouvez écrire, parler, imprimer librement…
Je vais faire un petit sondage dans la salle.
Qui parmi vous possède une imprimerie ? …
(Aucune main ne se lève dans le public)
On est d’accord. Moi j’en possède une, mais c’est pour rire.
Qui parmi vous a déjà vu un de ses écrits publiés dans la presse ? …
(Aucune main ne se lève dans le public)
J’en vois au moins deux ou trois qui devraient lever la main normalement. Ils n’osent pas.
Qui parmi-vous a déjà vu un de ses écrits publié sur Internet, fusse un commentaire ? …
(Une grande majorité des personne lèvent la main)
Voilà. Je suis formel. Le conseil constitutionnel a bon.
C’est évident, avant Internet vous ne pouviez pas exercer cette liberté. Depuis Internet, vous pouvez exercer cette liberté. Ce que dit le conseil constitutionnel dans sa décision, c’est que pour vous priver de cette liberté ou y porter atteinte, ne serait-ce que la restreindre, il faut nécessairement la décision d’un juge. C’est quelque chose qu’en droit nous connaissons très bien. Une liberté fondamentale à laquelle on porte atteinte, c’est relativement courant.
L’atteinte la plus sérieuse, qu’on a arrêté en 1981, c’était de couper les gens en deux entre les épaules et le menton. Cela portait atteinte à un certains nombre de libertés. À peu près toutes en fait. Même la liberté de mourir dans la dignité parce que je ne sais pas si c’est digne. Le fait de porter atteinte à la liberté, c’est quelque chose de très courant. Quand on met quelqu’un en prison, on porte atteinte à sa liberté d’aller et venir. Qui est aussi une des libertés fondamentales, on a le droit d’aller où on veut. Pour mettre quelqu’un en prison, hormis quelques bizarreries dans les pays non démocratiques, il faut un juge.
Et bien de la même manière le conseil constitutionnel nous dit que pour vous restreindre votre liberté d’expression en vous privant d’un accès à Internet, il faut un juge. C’est-à-dire qu’on est parti d’une loi bécasse qui disait qu’on allait punir les enfants en les privant d’Internet, à une conclusion, assez à l’opposé qui n’a pas grand chose à voir, qui dit : certainement pas, Internet est une liberté fondamentale et pour priver quelqu’un, fusse un enfant, d’une liberté fondamentale, il va falloir des motifs un peu sérieux. Et le fait de faire « kikoo lol » sur MSN en écoutant de la musique, ce n’est pas suffisant comme motif pour mettre les gens en prison.
– 00:19:10 –
Ce que dit le conseil constitutionnel, ce n’est pas qu’Internet, ou l’accès à Internet est en soit une liberté fondamentale. Parce que ce ne serait pas vrai. Ce que dit le conseil constitutionnel c’est que Internet est nécessaire à l’exercice réelle d’une liberté fondamentale, garantie par la constitution depuis plus de deux siècles. Je pense que dans les morceaux de la constitution qu’on risque de réviser dans les années qui viennent, article 11 de 1789 on n’y touchera pas. Je pense qu’aucun politique en France n’osera faire des amendements sur la déclaration des droits de l’Homme de 1789. La conclusion qu’on peut en tirer, ce n’est pas qu’Internet soit une liberté fondamentale, c’est que c’est un principe de base, un principe sur lequel s’appuient des libertés.
On a déjà des exemples de précédents de ça. Le bon exemple est la séparation des pouvoirs et l’équilibre des pouvoirs. La séparation des pouvoirs n’est pas une liberté fondamentale. Ce qui est une liberté fondamentale, c’est le droit à un procès équitable ; c’est le droit à être entendu par ses juges ; c’est le droit à savoir pour quel motif on est emprisonné. Ça, ce sont des libertés fondamentales. La séparation des pouvoirs est un principe sur lequel s’appuie un certain nombre de libertés fondamentales, ça n’est pas en soit une liberté. Et bien de la même manière, je pense et il me semble que le conseil constitutionnel finira par l’écrire, la neutralité du réseau est un principe sur lequel s’appuie un certains nombres de libertés. Alors, quel est l’enjeu finalement quand on parle de protéger Internet ? Ce n’est pas le droit de télécharger de la musique sans payer de royalties, ça on s’en fout, c’est un détail. Il se trouve que c’est l’évidence même qu’on peut le faire. Mais c’est un détail de l’histoire. L’enjeu, le vrai, et c’est bien ce qu’a rappelé le conseil constitutionnel, ce sont des sujets assez sérieux.
Ça c’est…
(aparté) Alors j’ai préparé mes transparents dans le taxi en venant alors j’y est passé un petit quart d’heure chahuté dans les virages alors j’ai du en oublier et tout n’est pas forcément clair …
Ça ce sont des libertés qui sont appuyées sur la neutralité des réseaux. La liberté d’expression, et ce n’est pas moi qui le dit. Moi ça fait deux ou trois ans dans que je le raconte en conférence et tout le monde me prend pour un allumé. Maintenant ce sont les gauchistes radicaux du conseil constitutionnel qui le disent. Ils sont technophiles connus dont la moyenne d’âge dont la moyenne d’âge est autour de 60 ans. Il faut quand même le rappeler, le conseil constitutionnel c’est: Debré, Chirac, Giscard… C’est du moyen technophile quand même.
Donc la liberté d’expression est appuyée sur la liberté d’accès à Internet. La liberté d’accès à l’information également. C’est-à-dire que les gens qui sont sur Internet depuis longtemps ont une certaine tendance à trouver l’information sur Internet beaucoup plus que dans la presse papier. Et donc de nos jours si vous voulez accéder à l’information, Internet est un outil fondamental.
Une des questions est celle du rétablissement de la censure. Puisque on voit passer en ce moment des lois, des propositions de lois ou des projets de lois, selon que ça vienne réellement du ministre ou que ce soit déposé en sous main par un député… Qui proposent de censurer des bouts d’Internet sur décision du ministère de l’intérieur sans passer par la case justice. Et ce, de manière secrète. Ils proposent qu’on inscrive sur une liste secrète des sites Web interdits, certains sites Web. Pour le moment le prétexte donné est la pédophilie. La semaine d’après le prétexte donné ce sera le terrorisme. Et puis la semaine d’après ce sera les crimes odieux et puis la semaine d’après ce sera… Je ne sais pas moi… Dire du mal du chef de l’État, je crois qu’on n’a pas le droit à ça, c’est 30 euros l’amende en ce moment. La dernière fois que la justice a eu à se prononcer… Pourquoi pas ! Puisque de toute façon c’est sur une liste secrète et sur décision, par décret, du ministère, sans passer par la case législative ou par la case justice. Ça peut être n’importe quoi, c’est secret. C’est quelque chose que nous avons bien connu pendant les débuts de l’imprimerie. La censure pour motif secret. Le roi a décidé que c’était censuré et il ne vous dira pas pourquoi.
– 00:23:45 –
Une autre est celle de la liberté de choix. Ce que les européens appellent la libre concurrence ou la concurrence libre et non faussée. Alors ça peut se voir comme… J’ai la liberté de choisir entre Vivendi et Bouygues. Ou ça peut se voir comme… J’ai le droit de choisir entre Microsoft et Linux. J’ai le droit de décider que je ne vais pas consommer comme un malade et que je vais plutôt faire pousser des carottes dans mon jardin. C’est aussi ça la libre concurrence.
Je ne suis pas obligé d’acheter des carottes en plastique sous vide. J’ai le droit d’acheter bio chez le maraîcher à côté de chez moi. C’est aussi ça la libre concurrence. C’est effectivement une liberté.
Il y a aussi la question qui se pose sur Internet de la vie privée. Ça a l’air idiot dit comme ça, mais si le réseau n’est pas neutre, vous ne pouvez pas être sûr qu’il y ait respect de votre vie privée. À l’heure actuelle, quand je publie des informations sur Internet, si je les mets derrière un système de mot de passe, je sais ce que je fais et tant que le réseau ne me ment pas, je sais ce qu’il a fait ce que j’ai dit. Je vous le ré -explique plus simplement. J’utilise comme serveur web mon ordinateur à la maison. En ce moment il ne marche pas bien parce que ma ligne de téléphone est cassée. Quand je publie une photo, c’est-à-dire quand je la place dans le répertoire de photos publiées, si j’ai décidé qu’elle était protégée par un mot de passe, je sais qu’elle est protégée par un mot de passe. Si le réseau se met à me mentir, quand je publie une photo sur Internet, sur un réseau non neutre, je ne sais pas quel usage peut en être fait. J’ai coché la case, cette photo est privée. Qu’en fera le réseau à l’autre bout ? Est-ce que le serveur a reçu ce que j’ai dit ? J’ai dit qu’il faut que la photo soit privée. Si le réseau a bidouillé le message au milieu. Qu’a reçu le serveur ? Je n’ai plus moyen d’en être sûr. Si ça se trouve, je n’ai pas payé à mon fournisseur d’accès l’option « on a le droit à la vie privée ». Du coup, à la volée, le réseau a retiré l’option en l’envoyant. La question de la vie privée sur Internet, sur un réseau non neutre est beaucoup plus compliqué que sur un réseau neutre puisque vous ne savez pas par définition quel acteur est en train mentir dans le milieu.
– 00:26:19 –
En fait, ce sont des questions qui se sont déjà posées à l’époque de l’invention de l’imprimerie. On retrouve des sujets très similaires. Je pense que ce sont deux avancées qui ont une portée assez similaire. C’est-à-dire qu’Internet va représenter une rupture, dans la société dans laquelle nous vivons, assez similaire que celle qu’a représentée l’imprimerie. Ce n’est pas forcément clair pour tout le monde. Basiquement dans l’histoire, la renaissance ne peut pas avoir lieu s’il n’y a pas un moyen de diffusion large et efficace du savoir. Sans renaissance pas de philosophie des lumières. Sans philosophie des lumières, pas de démocratie moderne, pas de révolution française, pas d’indépendance des États-Unis. Tous ses sujets là sont des produits dérivés du fait qu’on ai pu enfin diffuser de manière massive des connaissances.
De la même manière, Internet va apporter un changement. Ce n’est pas la même chose en plus grand. On peut considérer que la télévision est la même chose que l’imprimerie mais en plus grand. On peut se dire que la radio est la même chose que l’imprimerie mais en plus rapide, en plus instantané. Avec des modifications. La société induite par la télévision n’est pas la même que celle induite par l’imprimerie. Mais Internet est quelque chose de radicalement différent. L’imprimerie, basiquement, on l’a vu tout à l’heure, ça vous permet de lire. Ça ne vous permet pas d’écrire. Or un monde dans lequel on écrit n’est pas un monde dans lequel on lit. Ils ne fonctionnent pas du tout de la même façon. On n’utilise pas tout à fait les mêmes parties du cerveau pour écrire et pour lire. Donc j’aime bien résumer ça dans cette phrase assez simple : « L’imprimerie a permis au peuple de lire. Internet va lui permettre d’écrire. ». Oui c’est de moi ça. (Applaudissements) J’ai sorti ça sans faire attention dans une interview avec un journaliste, qui lui l’a attrapée et la recopiée dans l’article. Et bon… Ça ne m’a pas choqué. C’est ma maman qui m’a dit qu’elle était bien la phrase. C’est important de faire relire ses interviews par sa maman.
– 00:28:35 —
Bien. On va pouvoir attaquer la partie sur les dangers. Maintenant qu’on a vu que l’enjeu n’est pas du tout de savoir si on peut télécharger de la musique et t’chatter avec ses copains.
Le premier danger vient des vieux singes. Les vieux singes sont, en gros, les gens qui vivaient très bien avant et qui sont maintenant dépassés et qui n’ont pas forcément une envie foudroyante de remettre en cause leur modèle économique et de retourner au charbon alors qu’ils avaient une rente de situation assurée. Ceci est remis en cause car nous remettons en cause toute l’économie du droit d’auteur. On ne remet pas en cause les droits d’auteurs en eux même, on remet en cause l’économie qui va derrière. Toute l’économie des droits d’auteurs est basée sur un principe très simple : si je fais du business avec une œuvre de l’esprit, je dois un pourcentage de ce business à l’auteur.
On est bien d’accord ? Une pièce de Shakespeare est immatérielle. Vous pouvez tenir une version imprimer de la pièce de Shakespeare, mais c’est du papier, ce n’est pas la pièce. Vous pouvez voir des gens jouer la pièce sur une scène. Mais c’est une représentation, ce n’est pas la pièce. La pièce elle même est une œuvre de l’esprit. C’est immatériel. Ce que dit le principe de base des droits d’auteurs de la partie rémunération des droits d’auteurs, c’est que si je fais du commerce avec une œuvre de l’esprit, je dois un pourcentage de mon CA aux auteurs.
L’imprimeur qui fabrique des livres, doit un pourcentage aux auteurs du livre. Le fabriquant de CDs, qui fabrique des galettes en plastique avec de la musique dessus, doit un pourcentage à l’auteur de la musique. C’est ça l’économie du droit d’auteur. Maintenant qu’un Internet est là, fabriquer un exemplaire de plus d’un livre, d’un film ou d’une musique, ça ne coûte rien.
Toutes choses étant égales par ailleurs. J’ai déjà un accès à Internet, mes copains ont déjà un accès à Internet et de toutes façons ils en ont besoin. Ils en ont besoin pour discuter, pour le boulot, pour l’accès aux informations. De toute façon, ils auront un accès à Internet. Qu’on échange ou pas un morceau de musique. D’ailleurs qu’on le fasse par Internet ou avec des clés USB. Ça coûte ni plus ni moins cher. Ça fait très longtemps que les disques durs sont vides. On a des disques tellement énormes et tellement pas cher, qu’ils sont vides. De toute façon, on a la place de mettre la musique, de toute façon il n’y a pas de surcoût généré par cet exemplaire supplémentaire d’un morceau de musique.
En économie normale, en économie de grand papa, en économie des biens matériels, on peut en produire une infinité d’exemplaire. De toute façon on aura le temps d’en écouter qu’un nombre fini. Et de toute façon la production de l’exemplaire ne coûte rien. Si la concurrence est libre et non faussée, mécaniquement le prix de vente doit être nul. Ça ne coûte rien à produire et on peut en produire une infinité : ça n’a pas de valeur.
Donc toute l’économie du droit d’auteur qui est une économie traditionnelle, industrielle, une économie du 19ème siècle sur le fait de vendre du papier en bois d’arbre et qu’on a transposé sur le fait de vendre du plastique n’a plus de sens dans le monde du réseau. Parce que tous les fondements de cette économie tombent. Donc tous les gens dont le business est basé sur l’économie du droit d’auteur voient leur business remis en question. Et ce n’est pas que les marchands de disque ou de film. Les journalistes ont du mouron à se faire parce qu’ils sont payés en tant qu’auteur d’article. Il y a du mouron à se faire. Il y a des tas de solutions qui existent. Ça ne veut pas dire que l’œuvre n’a plus de valeur. Ça veut dire qu’on ne peut plus s’appuyer sur l’économie qui existe autour du support pour déterminer la valeur attribuée à l’œuvre. On doit trouver un autre mécano (Ndr: mécanisme). Et des autres mécanos, il y en a pleins. Mais celui là ne marche plus. Donc tous les gens qui vivaient, et qui vivaient grassement, sur ce mécano, sont inquiétés et sont opposés au mécanisme.
– 00:32:57 —
On retrouve le principe dans un texte que j’adore de… Frédéric Bastiat. Qui est la pétition des marchands de chandelle. C’est un économiste de la fin du XIXème siècle. Donc moderne… Dix-neuvième siècle, donc dix-huit cents et quelques… Pas le siècle d’après. Qui pour se moquer, explique qu’il a reçu une pétition des marchands de chandelle qui se plaignent de la concurrence déloyale du soleil. Ils proposent de murer toutes les fenêtres et d’interdire aux gens de sortir le jour. Ce qui du coup provoquera une croissance de l’économie sur la vente des chandelles, huiles de lampe, suifs et autres produits dérivés d’éclairage. Ce qui se traduira par une croissance de la totalité de l’industrie pour fabriquer des bougeoirs, pour produire de la cire, pour produire du suif. Ce qui produira une croissance de l’économie agricole et rurale pour produire toutes les matières premières qui vont avec. Ce qui enrichira donc le pays. Il se moquait donc d’eux en expliquant que ce n’est pas une solution valable. Telle matière n’est pas, n’est plus rare. Et bien elle n’est plus rare et il n’y a pas d’économie qui va autour.
Le fait de transmettre un bien immatériel, qui était une œuvre, nécessitait toute une industrie pour fabriquer du support, pour imprimer sur du papier, pour fabriquer les petites galettes en plastique… Toute cette industrie n’as en grande partie, plus de raison d’être. Elle existera toujours. J’ai plein de livres en papier chez moi, j’adore avoir plein de livre. Mais la majorité de ce que je lit, je ne l’imprime pas. Je n’ai plus besoin d’imprimer le journal par exemple. Quand je lis des livres politiques, c’est-à-dire des livres qui n’ont plus de valeur trois mois plus tard, en général je ne les achète pas en papier car cela prend de la place pour rien.
– 00:34:42 —
En fait, tous les gens qui vivent de ce modèle là. Pour le moment j’ai insisté sur ceux qui vivent du modèle du droit d’auteur, il y en aura forcément d’autres. C’est-à-dire qu’Internet va suffisamment modifier les choses pour d’autres personnes que celles qui vivent du droit d’auteur. Il se trouve qu’eux sont les premiers à s’être pris le modèle en pleine face. Et eux vont forcément se débattre car ils doivent changer de modèle pour survivre, ils doivent trouver d’autres sources de revenus, d’autres modèles économiques, d’autres façons de faire. S’il y a une chose qui est évidente, Internet ou pas Internet, c’est qu’on continuera à écrire des livres parce que les humains ont besoin de raconter des histoires. C’est qu’on continuera à faire des films parce que nous avons les outils pour raconter des histoires en images. On va donc le faire. On continuera à faire de la musique car on fait de la musique depuis les débuts de l’humanité. Ce n’est pas sûr qu’il y ait une industrie derrière. Il y a des tas de choses qu’on fait sans qu’il y a une industrie monstrueuse derrière. On continue à se dire « Bonjour » tous les jours alors qu’il n’y a pas de marchands de bonjours qui soient multimilliardaires et qui proposent un monopole du bonjour. On fait des enfants depuis relativement longtemps et ce n’est pas sujet à monopole. Méfiez vous ! Ça pourrait venir…
En gros, les moines-copistes de DVD aimeraient bien éviter le naufrage. La méthode qu’ils ont retenue est de nier l’évidence. C’est-à-dire qu’il est évident que leur business n’a plus de sens. Le petit raisonnement d’économie à deux francs que je vous ai fait sur le « le coût de production est nul, l’offre est infinie, la demande est finie donc le prix de vente est nul », c’est à la portée d’un étudiant de première année en économie, même s’il n’est pas brillant. Qu’ils arrivent à prétendre le contraire est quand même spectaculaire. Ils souhaitent interdire la norme. C’est idiot.
Chanter une berceuse à un enfant pour l’endormir, c’est normal depuis la nuit des temps. Raconter une histoire, « J’ai vu un film, je l’ai trouvé intéressant. », On m’a raconté une histoire, je l’ai trouvé intéressante et je la re-raconte. C’est de cette manière que vivent les troupeaux d’êtres humains depuis l’âge des cavernes. C’est pour ça que nous avons la parole. La grande différence entre le singe et nous est que nous racontons des histoires.
Le fait qu’on est envie de se raconter ses histoires en s’échangeant directement des films puisque c’est possible. C’est évident qu’on le fait et c’est évident qu’on doit le faire. L’être humain à besoin de raconter des histoires. Il a besoin de se chanter des chansons. Pourquoi on ne s’envoyait pas des films avant ? Parce que ce n’était pas possible. Pourquoi on s’en envoie maintenant ? Parce que c’est possible. Tout simplement. C’est la norme en fait. Nous devrions faire ça depuis deux milles ans, c’est juste que nous n’avions pas le bon outil. Maintenant que nous l’avons, nous n’allons pas nier la norme, nous n’allons pas l’interdire.
En ce moment, si j’applique le droit qui est le notre, si je vous chantais une chanson… Pour peu qu’elle ne soit pas de moi, on pourrait voir débarquer un agent de la SACEM, qui viendrait demander du pognon. C’est délirant ! Je ne suis pas payé pour faire la conférence. Je jure de verser 20 % de mes non-recettes à l’artiste. Il viendra payer ma note de taxi et mon ticket de RER pour rentrer. C’est ridicule… Et pourtant ! C’est bien ce que dit le droit en ce moment. On vise à interdire la norme.
Et puis il y a une tentative très forte, parce que l’industrie du contenu fonctionne beaucoup sur ce modèle là, de formater les esprits. C’est-à-dire qu’ils répètent bien et ils font même écrire dans la loi qu’on doit répéter aux enfants. On doit, d’après les lois qui sont votée, dire aux enfants qu’il n’existe pas de culture gratuite. On doit dire aux enfants dans les écoles, qu’une histoire se paye forcément. Ils vont faire quoi ? Se donner du pognon quand ils racontent les histoires de toto dans la cours ?! On marche sur la tête. Et on marche sur la tête en niant l’évidence et en interdisant la norme qui est d’échanger. Et en essayant de formater les esprits pour faire croire que ce n’est pas la norme.
– 00:39:00 —
C’était la première variété de danger, c’était les vieux singes. La deuxième grande variété de danger, ce sont les jeunes loups.
C’est-à-dire exactement comme il y a les industries rendues obsolètes par Internet, il y a des industries qu’Internet développe. Plus facile à comprendre, ce sont les opérateurs. Les opérateurs, ou en gros, tout ce qui vend par un biais ou par un autre du Net ou vend sur Internet. Je vais pour le moment essentiellement me centrer sur les opérateurs parce que ce sont ceux dont le rôle est le plus intéressant à comprendre. Ils ont une tentation très forte qui est de préempter le client. Qu’est-ce que j’entends par là ?
Qui parmi vous à un abonnement Internet ?
(sondage auprès du public)
À peu près tout le monde.
Vous pensez que vous êtes titulaire d’un abonnement vous permettant d’accéder à Internet. C’est à peu près la vision que vous en avez. Vous êtes la personne qui possède le droit d’accéder à Internet via tel opérateur. Bien. Eux, la vision qu’ils en ont, c’est que vous êtes un « able » comme disent les anglais. C’est-à-dire que votre temps de cerveau disponible sur le réseau leur appartient. Et vous ne pourrez pas changer de crémerie. Votre temps de cerveau disponible sur le réseau leur appartient beaucoup plus qu’il n’appartient à TF1 lorsque vous regardez TF1. Parce que lorsque vous regardez TF1, si ça ne vous plaît pas, vous bougez un doigt et vous regardez autre chose. Quand vous êtes sur Internet, vous appartenez au fournisseur d’accès de manière très forte. Il ne suffit pas de bouger le doigt pour changer de fournisseur d’accès. Vous êtes engagé pour un an, il faut résilier un contrat, il faut envoyer des papiers, faut signer des bordels… Ça va prendre du temps de changer d’opérateur. Donc votre temps de cerveau disponible leur appartient. C’est déjà leur point de vue à l’heure actuelle.
Du coup, ils se disent qu’ils pourraient aussi taxer le contenu. Vous voulez écouter de la musique payante, vous voulez regarder des vidéos payantes sur Internet. Ne faites pas semblant qu’il y en a pas. Vu la quantité de porno qui se vend, il y a forcément des gens qui en achètent. Donc vous voulez regarder du contenu payant. Fut-il tout à fait honnête et issu des majors hollywoodiennes. Si le fournisseur d’accès vous en empêche, vous ne pourrez pas. Il peut très bien, non pas vous faire chanter vous (vous payez déjà), allez voir le marchand de vidéo et lui dire : « Si tu veux que mes clients puissent te payer pour voir tes vidéos, je veux 5 % du chiffre d’affaire. ». Ils sont donc très tentés d’aller taxer le contenu.
Ils sont également tentés d’aller taxer les services. C’est ce que j’ai retenu d’une époque où je travaillais chez un des gros opérateurs. J’ai travaillé chez tous les gros opérateurs français. Je ne dirai pas lequel. C’est un des très gros encore en vie actuellement. Je voyais mon chef se lamenter avec une vraie tristesse du fait que nous creusions des trous, nous installions des bordels, des routeurs, des machins, des fibres, des trucs… Ça nous coûtait une fortune en ingénieur, en matériel, en travaux… Pour vendre tout ça 30€ par mois. Et que nous nous faisions en permanence étrier dans la presse. Lisez le moindre bidule de consommateur, vous verrez le mal qu’ils disent des fournisseurs d’accès.
À l’opposé : Meetic. Ils ne fabriquent rien. Ils ne vendent rien. Ils vous proposent d’enregistrer quelques informations sur vous mêmes dans une base de données et d’accéder aux informations que les autres gens ont mises… Quantité de travail produite : ridicule. Ils vendent ça, 30€ par mois. Bon business quoi ! Et les gens sont ravis. Enchantés ! Ils ne râlent pas.
Ça, chez les fournisseurs d’accès, ça les travaillent. L’idée d’aller s’emmerder à gérer un réseau à l’échelle national avec des ingénieurs partout, avec des équipes techniques, avec des gens d’astreintes qui se relaient la nuit pour encaisser 30 misérables euros à la fin du mois alors que d’autres engrangent autant de revenus par abonné sans se fouler, ça les intéresse beaucoup ! Et comme ils se sentent bien incapable de produire le service, ils aimeraient bien le taxer.
Bref, fermer le jeu. Faire en sorte qu’on revienne à un modèle comme le Minitel. À l’heure actuelle, nous sommes dans un modèle très voisin de celui de la Poste. Vous avez le droit de commander des produits chez qui vous voulez, Internet transporte les produit jusqu’à chez vous. Exactement comme la Poste transporte les colis qu’ils viennent des « trois redoutes » ou de n’importe quel autre fournisseur qui est allé porter un colis à la Poste. Ce n’est pas neutre comme question. Ce que veulent faire les fournisseurs d’accès, c’est fermer le jeu. Faire en sorte que vous ne puissiez acheter que chez les gens avec qui ils ont un accord. Ce n’est pas rien comme question.
– 00:44:25 —
Les méthodes qu’ils ont à leur disposition : le filtrage. Le fait de vous empêcher d’accéder à tel ou tel site Web puisque le marchand n’a pas voulu payer… L’impôt révolutionnaire. Ça s’appelle comme ça dans les pays mal fréquentés ? Puisqu’il n’a pas voulu se laisser racketter, et bien vous n’y aurez plus accès. Et comme aucun fournisseur français n’acceptera de se priver de plusieurs millions de clients, ils vont tous payer. C’est le filtrage, c’est la fermeture du réseau. C’est de faire en sorte de favoriser l’émergence de protocoles que tout le monde ne peux pas implémenter. C’est le contraire même de ce qu’est Internet que j’évoquai au début. Et puis c’est utiliser leur position de force pour passer par de la taxation.
La troisième grande famille des gens qui ont intérêt à faire du mal à la neutralité du réseau, ce sont les tribuns. Comme je disais, dans le monde d’avant Internet, très peu de gens sont en mesure d’exercer la liberté d’expression dont nous parlions. L’article 11 de la déclaration des droits de l’Homme s’applique à une poignée de personnes. Basiquement : les politiques, les journalistes, quelques écrivains, quelques syndicalistes et représentants de tous poils. Ce qu’on pourrait appeler les orateurs officiels. Les gens qui avaient le monopole de la parole publique. Ces gens là perdent leur monopole simplement parce que la déclaration des droits de l’Homme était très virtuelle et est en train de devenir très réelle et que ce n’était pas prévu. Tout le monde le trouvait rigolo, disait qu’il fallait défendre la liberté d’expression. Surtout les gens qui défendaient la leur. Maintenant qu’il s’agit de défendre la notre, ça les amuses beaucoup moins. Alors, évidemment il y a les politiques qui sont visés et tous les orateurs officiels (comme je disais, les journalistes, les syndicalistes…).
Ségéla, grand monsieur de la communication en France, qui déclare à la télévision que « Internet est la plus belle saloperie que l’humanité est inventée ». Ce n’est pas neutre. Il a bien compris qu’on chiait dans ses pompes.
– 00:46:30 –
La méthode utilisée est de faire peur. Ils cherchent à expliquer qu’Internet est un réseau de pédophiles. J’ai vu qu’il y a 100% d’internautes dans la salle. Alors pédophile, la question ne se pose pas. Combien parmi vous sont anarcho-révolutionnaire à tendance dur ? C’est-à-dire à la gauche de la LCR.
(sondage)
On en a deux sur l’assistance. Ça me paraît assez faible comme danger.
(Parlant à quelqu’un invisible)
Tu noteras, ils sont derrière les caméras, on ne les voit pas.
Et puis ils ne sont pas obligés de se dénoncer, j’ai juste posé la question.
On cherche donc à faire peur en agitant la pédophilie. C’est bien connu, la majorité des problèmes de pédophilie n’ont pas du tout lieu dans le cercle familial. Papa pour aller tripoter fillette n’a pas besoin d’un ordinateur. Ça fait des millions d’années qu’il fait comme ça, il n’y a pas de raison qu’il change de méthode.
On parle de terrorisme. C’est bien connu, pour encastrer deux avions dans deux tours, ils ont utilisés un ordinateur. L’arme de pointe qu’ils avaient c’était un cutter ! On vous refait ce vieux deal… Recherchez des déclarations de Benjamin Franklin sur le sujet. Pour vous situer Benjamin Franklin, ça fait un paquet de temps qu’il est mort. Il explique que si vous essayer de troquer la sécurité contre la liberté, vous n’aurez ni l’un ni l’autre (Ndr : « Ceux qui sont prêts à abandonner une liberté essentielle pour obtenir temporairement un peu de sécurité ne méritent ni la liberté ni la sécurité »)[1].
Ce débat sur « on va restreindre un peu les libertés pour vous apporter de la sécurité. », c’est du flan ! Et on sait que c’est du flan depuis le début. C’est un moyen d’assurer un contrôle sur la société. Point ! Et en ce qui nous concerne, un contrôle sur Internet.
– 00:48:25 –
Maintenant que je vous ai expliqué en quoi Internet est important et en quoi il est en danger. Qu’est-ce qu’Ubuntu peut faire là-dedans ?
En fait, on peut « faire réseau ».
(Aparté) Je ne vais pas lire la slide. Elle n’est pas intéressante. Elle est là pour servir de support.
Basiquement, vous êtes encore, momentanément, pour pas très longtemps, sur vraiment Internet, pour ce qui est des accès fixes chez vous. Pour les accès mobiles, c’est déjà cramé ! Ce qu’on vous vend sous le nom d’accès à Internet mobile, ce n’est pas de l’accès à Internet, c’est de l’accès à une espèce de Minitel amélioré. Il n’y a qu’à voir : 160 000 euros de facture pour un accès à Internet, ce n’est pas possible. Puisque on ne peut pas vous facturer en fonction de ce que vous faites. Ça n’a même pas de sens !
Vous êtes encore momentanément sur le réseau Internet. Je vous disais tout à l’heure, et je trouve que l’exemple est excellent, que lorsque je fais un site Web, il est chez moi, sur mon PC, dans ma maison. Il se trouve qu’en ce moment ma ligne ADSL est en panne.
(Aparté) C’est quand même con pour le coup. Un type qui est président de son propre fournisseur d’accès à Internet, avoir un accès à Internet en panne. C’est quand même pas de bol.
Mon accès à Internet est en panne et donc ma machine n’est pas reliée à Internet. Internet est diminué. Attention. C’est important ce que je raconte. Internet est diminué du fait que mon accès ADSL est en panne. Le site Web qui s’appel edgar.fdn.fr, qui est ma machine, est éteint. C’est à ça qu’on reconnaît que mon ordinateur fait partie d’Internet.
Quand j’éteins mon ordinateur, Internet diminue. Pas de beaucoup, mais il diminue.
Quand ma maman éteint son ordinateur, Internet ne diminue pas. Elle n’est pas sur Internet.
Le fait de faire réseau, c’est-à-dire le fait de faire parti d’Internet est fondamental pour le protéger. Basiquement, en France, plusieurs opérateurs ont essayés de filtrer le protocole qui sert aux échanges de mails. Ça a provoqué un tollé chez les spécialistes du réseau et c’est passé tranquillement, inaperçu, dans le grand public. Ça veut dire qu’aujourd’hui, en France, pour plus de la moitié des internautes, ils n’ont plus le droit d’héberger un serveur de messagerie chez eux. Leur accès à Internet n’est déjà plus tout à fait un accès à Internet.
Pourquoi Orange s’est permis de faire ça ? Simplement parce que personne n’a râlé. S’il y avait eu ne serait-ce que 50 ou 100 milles abonnés sur les huit millions d’abonnés d’Orange, qui aient un bout de messagerie chez eux et qui appellent la hotline pour dire « C’est quoi ce bordel ? », ils auraient fait marche arrière et auraient cherché une autre solution pour lutter contre le spam. Le fait d’héberger une partie de ce qu’on fait. Pas forcément tout. Parce qu’il y a des tas de contraintes. Le fait d’héberger une partie de ce qu’on fait chez soit est un moyen très efficace de lutter.
Pour reprendre une formule que j’aime bien dans un hebdomadaire que je lis régulièrement : « La liberté de la presse ne s’use que quand on ne s’en sert pas. ».
De la même manière, les libertés fondamentales que vous avez sur Internet ne s’usent que parce que vous ne vous en servez pas.
Or, pourquoi on ne s’en sert pas ? Pourquoi est-ce que ma maman s’embête à aller publier ses photos de vacances quand elle veut me les montrer sur des sites improbables aux États-Unis alors qu’elle pourrait les mettre sur sa machine. C’est quand même stupéfiant. Elle se complique la vie alors qu’elle pourrait faire simple. Pourquoi elle pourrait faire simple et qu’elle ne le fait pas ? Simplement parce que les outils n’existent pas.
L’idée d’une espèce de micro PC qui ne serait pas plus gros qu’une bidule-box, qui ne consommerait pas plus de courant, qui aurait un microscopique disque dur pour héberger du contenu. C’est une idée qui est sortie plusieurs fois depuis que j’ai fait la conférence « Internet libre ou Minitel 2.0 ? ». À chaque fois les gens cherchaient un nom et appelaient ça une no-box. Parce que c’est le contraire d’une bidule-box.
Dans la communauté Ubuntu, donc en dehors de France, ça existe déjà dans le concept. C’est ce qu’ils appellent le home-server. Le home-server, pour le moment, dans la communauté Ubuntu, ils sont toujours arrivés à la conclusion qu’il ne fallait pas le faire parce qu’il n’y a pas de point d’équilibre. Le projet Ubuntu peut être fait, parce qu’il a moyen de survivre de manière autonome. Pour avancer, il a besoin d’avoir quelques personnes à plein temps. Pour financer ces quelques personnes à pleins temps, il a besoin de quelques accords industriels. Les accords industriels existent. Typiquement avec des marchands d’ordinateur qui vendent des ordinateurs ‘pré-équipés avec Ubuntu, qui versent un petit quelque chose pour permettre de faire tourner le machin qui permet que la mécanique continue. Ils sont toujours arrivés à la conclusion qu’il n’y avait pas de point d’équilibre pour le home-server.
Et je pense qu’industriellement, c’est vrai. À l’heure actuelle, ou dans les cinq à six ans, on peut raisonnablement prévoir qu’il n’y a pas assez de gens susceptibles d’héberger leurs propres contenus pour qu’il y ait un point d’équilibre industriel. Cependant, l’existence même du produit est relativement importante. Qu’est-ce qu’on sen fout de savoir s’il y a un point d’équilibre ? Ce qu’il faut, c’est un moyen pour les gens d’exercer réellement la liberté qu’on a mis entre leurs mains. Parce que c’est le moyen le plus sur de la défendre.
Et autant pour aller causer au parlement européen ou au parlement français pour essayer de convaincre les politiques d’arrêter de faire des bêtises sur le Net, ce n’est pas le boulot d’Ubuntu, il y a des gens de la Quadrature du Net. Beaucoup plus adapté. Autant par contre, chercher à produire une solution, humainement utilisable, qui reprenne les produits de base que je citai dans le transparent précédent, c’est à la portée des gens d’Ubuntu. Et ce n’est pas un gros projet. C’est beaucoup plus facile de faire tourner un petit serveur Web pour maman Bayart que de faire tourner Open Office. Beaucoup ! Ça demande à peu près mille fois moins de travail de programmation. Ce n’est donc pas un projet informatiquement compliqué.
– 00:55:06 –
Une conclusion rapide, car j’ai dépassé le temps que j’espérai. Il me reste six minutes avant de me faire mettre à la porte.
Pour vous faire un petit résumé du spectacle :
– l’enjeu est important, c’est-à-dire qu’on ne parle pas du tout de savoir si on a le droit d’échanger ou pas de la musique sur Internet. Ce n’est pas le fond du problème.
– Les gens auxquels on s’oppose, que ce soit les politiques, les opérateurs ou les marchands de DVD sont des gens très puissants et sont en train d’avancer dans cette bataille.
– Dans les pistes pour défendre le réseau, il y en a une pour laquelle il y a vraiment besoin qu’Ubuntu s’y colle. Parce que des projets de no-box, j’en ai vu fleurir trois ou quatre. J’en ai pas vu aboutir un seul. Basiquement, il y a besoin de gens qui ont l’habitude de faire de l’interface homme-machine utilisable.
Finalement… C’était quoi le slogan Ubuntu ? « Linux for Human Begins », c’est ça ? Oui donc en français : « Linux pour être humains ». Il faudrait donc qu’ils réfléchissent sévèrement à faire « Internet for Human begins ». À venir filer un coup de main à faire « Internet pour être humains ». Je promets, si Ubuntu bouge un peu dans se sens là, FDN sera de toute la partie technique/réseau. Parce que ça, c’est notre boulot. Mais on le fait déjà. Ça fait 18 ans.
Voilà !
– 00:56:30 –
Il reste cinq minutes pour les questions, c’est très court.
(…applaudissements…)
Un auditeur >> Je voulais signaler que Opera fait aussi un serveur. Sur son propre Opera, on peut partager une partie de son disque dur. Vous avez entendu parler de ça ?
Benjamain Bayart >>
Alors. Je n’ai pas été regardé ce que ça raconte. Si je ne me trompe pas, c’est sur des protocoles qui ne sont pas complètement ouverts et ça ne serait pas complètement interopérable avec tout. Ce n’est pas du Net !
Que le code source du serveur ne soit pas ouvert, j’en ai rien à cogner. C’est le boulot d’Alix (ndr : Alix Cazenave), elle parle dans cinq minutes. Mon problème est : est-ce que les protocoles utilisés sont ouverts ? Une norme sur Internet, une RFC, c’est quelque chose qui :
1- est ouvert
2- librement implémentable
3- accompagné d’une implémentation open-source et libre de droit.
C’est ça la définition d’une norme sur Internet. Des normes électroniques, numériques, machin… Il y en a à foison. Ce n’est pas Internet !
Pour le moment je n’ai pas assez creusé ce qu’avait proposé Opera. Le concept n’est pas complètement déconnant. Je suis très surpris que Firefox n’est pas poussé dans se sens là avec une version ouverte. Je n’ai pas assez creusé le point Opera pour en dire du mal de manière sérieuse. Ni pour en dire du bien.
Fabien Cazenave >> On a fait ça chez Mozilla, avec AllPeers. Je ne sais pas si tu te souviens.
Benjamain Bayart >> Non.
Fabien Cazenave >> On pouvait partager notre contenu avec des protocoles ouverts, peer to peer….
Benjamain Bayart >> Ah non, ce n’est pas ça dont je parle.
Fabien Cazenave >> … et ça a été un échec complet, retentissant. Parce que Madame Michu ne comprenait pas qu’en éteignant son poste, son contenu n’était plus en ligne. Et ça n’a pas marché.
Benjamain Bayart >> Il y a un travail d’éducation. Mais miser sur l’ignorance des gens est très dangereux.
Fabien Cazenave >> Je pense que d’avoir la boi-boite ça changerait. S’il n’y a pas de point d’équilibre financier pour avoir les boi-boites qui consomment rien, qui peuvent tourner chez nous …
Benjamain Bayart >> Les boi-boites existent. Tu vas chez n’importe quel marchand, un pc qui prend pas de place et qui est relativement discret à mettre dans un salon ça existe. Il y a pas de soft à mettre dessus, c’est ça mon problème. Je ne vais quand même pas dire à ma mère d’installer apache et de le configurer elle même ! (rire). Moi je sais bien que c’est facile à faire, c’est mon métier. Il manque un bout et un bout qui n’est pas dur, un petit bout d’interface graphique pour que ma maman puisse dire « le site web c’est ça, la galerie de photo qu’elle soit là ». Ce n’est pas des trucs compliqués, c’est beaucoup moins compliqué que SPIP qui existe déjà et qui me parait très bien comme interface de publication. Les outils de blog existent déjà. Il manque de la glue ! Et justement la glue qui fait que ce genre de système tourne, c’est ce que Ubuntu réussit très bien. Je ne leur demande pas de réécrire apache. Ce n’est pas le boulot, c’est de faire une interface qui soit réutilisable par ma maman.
Un auditeur >> Bonjour. Merci pour la conférence. Que pensez d’un système comme Google Wave ? Un système de messagerie vraiment centralisé, qui se rapproche donc du Minitel. Mais qui en parallèle développe des protocoles libres pour que n’importe qui puisse recréer ce type de service.
Benjamain Bayart >> Il y a deux choses sur Google.
La première chose sur Google est que c’est un point de centralisation et ça me donne des boutons. C’est très dangereux. C’est un point de centralisation du contenu, donc c’est un point de contrôle. Si Google décide de censurer, personne ne pourra rien faire contre. Qu’ils décident de censurer un contenu ou qu’ils décident d’empêcher quelqu’un de s’exprimer, personne ne pourra lutter ! Parce qu’ils sont trop au centre. C’est très dangereux. Sur l’aspect Minitel.
Sur l’autre aspect qui est neutralité du réseau, respect des protocoles ouverts… Pour des raisons que je ne m’explique pas, Google s’est toujours montré exemplaire. Ils respectent les formats ouverts. Tout ce qu’ils font sur le Net est dans des formats librement utilisables dont tout le monde sait comment ils tournent. Ils sont de ce côté là, du point de vue neutralité du réseau, exemplaire et je ne comprends pas pourquoi. Plus exactement, la seule explication que j’ai trouvé est qu’il y a toujours à la tête de Google les fondateurs qui sont des gens qui connaissent Internet (Ndr : Larry Page & Sergueï Brin). Le jour où il n’y aura plus à la tête de Google que des fonds de pensions, Google changera de comportement. Donc pour le moment Google n’est pas une atteinte à la neutralité du Net. C’est une bombe à retardement qui va exploser.
Je suis désolé, on a plus le temps pour les questions. Tout le monde me fait signe partout que faut conclure, qu’il faut que je me casse…
Oui, c’est à ton tour (en parlant à Alix Cazenave). Donc je vais laisser la parole à Alix.
Merci.
(…applaudissements…)